La Cistude d’Europe

 

Les zones humides comme lieu de vie

La Cistude d’Europe vit dans les zones humides aux eaux douces, calmes et bien ensoleillées : marais, étangs, fossés, cours d’eau lents, canaux…, elle peut également vivre dans des ruisseaux comme dans la Plaine des Maures (Var). Elle apprécie les fonds vaseux et la végétation aquatique abondante qui fournissent nourriture et abris en quantité. Son territoire peut s’étendre sur près de 10 ha de zone humide.  Pour prendre ses bains de soleil, elle recherche activement les troncs d’arbres flottants, les branches basses de tamaris en berge.
La sauvegarde de la Cistude d’Europe passe nécessairement par la préservation des zones humides.

 

                                                                                                                                                                                                                            Photo : Thomas Gendre

Répartition

La Cistude d’Europe est une tortue d’eau douce vivant de façon naturelle en France. Jusqu’au XIXème siècle, elle a occupé de grands territoires dans toute l’Europe, la Russie et la côte nord africaine. Aujourd’hui, elle est en déclin dans toute son aire de répartition et occupe des zones moins étendues. Cette régression en fait maintenant une espèce menacée qu’il faut sauvegarder.
En France

Il ne reste que quelques foyers de populations très isolés les uns des autres : dans le Centre (Brenne), en Rhone-Alpes (certaines parties de la vallée du Rhône), sur le littoral charentais, en région Aquitaine, Poitou-Charente  et sur le littoral méditerranéen et corse. Les deux noyaux importants du Midi sont la Camargue (et ses marges) et le massif des Maures.
En Languedoc-Roussillon

La Cistude d’Europe a déserté la plupart des zones humides, exceptés quelques rares sites littoraux. Les principales populations de cette tortue sont en Camargue gardoise. D’autres populations de moindre envergure sont présentes autour de Bellegarde (30), au nord Etang de l’Or (34), dans le Montpelliérais (34) ainsi qu’à Leucate (11). Des observations très occasionnelles sont également faites dans d’autres zones humides et rivières de la région (Aude, Orb, Mosson, Hérault, Vidourle, Vistre, Gardon ou leurs affluents).

Réparition préhistorique et contemporaine de la Cistude d'Europe
dans le midi de la France (Cheylan, inédit)

 

Répartition de la Cistude d'Europe en Languedoc-Roussillon

 

Carte d'identité

 

Nom :  Cistude d’Europe

Nom scientifique :  Emys orbicularis

Aspect :  La tête, le cou, les pattes et la queue sont noirs ponctués de tâches jaunes. Les pattes sont palmées, avec de fortes griffes qui facilitent les déplacements dans l’eau comme sur terre. La carapace est ovale et peu bombée, de couleur vert olive à noir, fréquem-ment ornée de points ou stries jaunes. La face ventrale, appelée plastron, est plutôt claire avec quelques motifs noirs.

Cistude d'Europe (Emys orbicularis)

Photo : Thomas Gendre

 

Photo : Marc Cheylan

 

Taille : La taille de la carapace peut aller jusqu’à 20 cm pour les femelles, seulement 16 cm pour les mâles. Comme pour la taille, le poids est largement plus élevé chez
les femelles : celles-ci peuvent peser jusqu’à 1,3 kg contre seulement 600 g pour les mâles.

Comportement : C’est un animal très discret et craintif. Il recherche des milieux où le dérangement par l’Homme est faible et dont la végétation en berge garantit une certaine sécurité face aux prédateurs terrestres. Lors de leurs bains de soleil réguliers, les cistudes plongent à l’eau au moindre danger.

Longévité : La Cistude peut vivre une cinquantaine d’années, certaines pourraient atteindre un siècle.

Maturité sexuelle : Les tortues atteignent la maturité sexuelle tardivement. En Camargue, les mâles se reproduisent à partir de 6 ou 7 ans, les femelles vers 7 ou 8 ans.

Que mange-t-elle ? : La Cistude porte bien son nom d’éboueur des zones humides. En effet, elle est en partie charognarde : elle mange les animaux morts avec une préférence pour les poissons. Mais elle se nourrit aussi d’animaux vivants comme les vers, les mollusques, les insectes aquatiques et les crustacés. La Cistude participe ainsi à l’équilibre écologique des zones humides.

Et qui la mange ? : Autrefois, les moines en mangeaient le vendredi en guise de «poisson», mais aujourd’hui, la Cistude est une espèce protégée et sa pêche est interdite.
Si la tortue adulte n’a que peu de prédateurs (loutre, certains rapaces), les œufs et les juvéniles font eux le festin de nombreux animaux  :
renards, putois, pies, corbeaux, hérons, fouines, hérissons, rats, sangliers…
A l’éclosion, les Cistudes sont à peine plus grosses qu’une pièce de 2 euros et leur carapace est encore toute molle : elle est donc très vulnérable.

 

Statut de protection

La Cistude d’Europe est une espèce phare du patrimoine naturel européen. A ce titre, elle est strictement protégée :

  • en Europe par la convention de Berne.
  • en France par arrêté ministériel du 19 novembre 2007.

Sa présence sur un territoire peut justifier la création d’un site Natura 2000 car elle est inscrite en annexe II de la Directive Européenne «Habitats, Faune, Flore».

Les quatres saisons d'une Cistude

En hiver : hiverner

De novembre à mars, la Cistude hiverne, dans l’eau dans une zone riche en végétation. Parfois, l’hivernage a lieu à terre, sous un bon lit de feuilles. Dans ces endroits, l’animal évite le gel. Toutefois, il doit vivre au ralenti pour ne pas dépenser toute son énergie. Pendant les périodes de grands froids, son cœur ne battra presque plus.

Au printemps : prendre des forces

  • Se nourrir : à la belle saison, la Cistude se dépense. Elle doit manger pour avoir de l’énergie : poissons, insectes, mollusques et crustacés font partie du régime alimentaire. Son alimentation lui permettra d’assurer la reproduction et de constituer des réserves pour passer l’hiver.
  • La thermorégulation :  en digne représen-tante des reptiles, la Cistude est un animal dit « à sang froid », c’est-à-dire que son corps ne produit pas de chaleur et sa température est donc identique à celle du milieu ambiant. La tortue doit donc prendre des bains de soleil de plusieurs heures par jour pour se réchauffer et emmagasiner de l’énergie : c’est la thermo-régulation. Cette activité est vitale pour l’animal, car sans cela, il n’aurait pas suffisamment de forces pour se déplacer, se nourrir, se reproduire…

En été : s'accoupler

Les accouplements débutent en avril et se passent sous l'eau. Durant ceux-ci, le mâle va donnner de violents coups de bec sur la tête de sa partenaire. La femelle peut s'accoupler ainsi avec plusieurs mâles dans la saison. A la fin du printemps, elle pondra autour de huit oeufs.

En automne: pondre

La femelle quitte le milieu aquatique pour aller pondre sur la terre ferme. Elle choisit un site de ponte approprié comme des prairies et landes sèches, des buttes de terre, des bords de chemin tous bien exposés au soleil et non inondables. La Cistude creuse alors un trou pour y déposer délicatement ses œufs puis le rebouche. Lorsque la terre est trop dure pour creuser, elle va l’humidifier et la ramollir, grâce à de l’eau qu’elle aura stockée dans deux cavités abdominales capables de contenir 10 centilitres.
L’éclosion

L’incubation dure 3 mois. Les jeunes Cistudes sortent de l’œuf en fin d’été et quittent le nid dès qu’un orage facilite la sortie de terre. Le sexe des nouveaux-nés est en partie déterminé par la température durant l’incubation. On parle de thermosensibilité : si la chaleur est inférieure à 28°C des mâles vont éclore, et si la température est supérieure à 28°C, ce seront des femelles.

Des facteurs de menaces connus

 

Modification et destruction des zones humides

Depuis plus d’un siècle, beaucoup de zones humides ont été détruites ou modifiées. Les causes sont multiples : endiguement, comblement, urbanisation, pollution ou gestion inadaptée sont quelques exemples de l’histoire récente. Les répercussions sur la Cistude d’Europe sont de plusieurs ordres, comme la diminution de l’espace vital, la fragmentation des populations et la baisse des effectifs. Les conséquences globales sont encore plus importantes car les zones humides remplissent des fonctions essentielles vis-à-vis du cycle de l’eau (épuration, limitation des crues…) et de la biodiversité (faune et flore inféodées).  Il est donc primordial de préserver,  entretenir, voire restaurer les zones humides favorables à la Cistude.

Solutions

  • Freiner la perte d’habitat

Il est important que les propriétaires  privés et les collectivités (communes, départements…) soient bien informés de la présence de l’espèce sur leur territoire et de ses besoins écologiques afin de pouvoir la prendre en compte dans sa gestion et dans son aménagement (Plan Local d’Urbanisme (PLU), Espaces Naturels Sensibles (ENS), études d’impacts…).

  • Gérer les zones humides

Les mosaïques entre plans d’eau, jonchaies, roselières et canaux sont des habitats très favorables aux Cistudes. Ces zones offrent des secteurs pour l’alimentation, pour la thermorégulation et la reproduction. Une gestion du milieu visant à conserver les mosaïques d’habitat et limitant l’homogénéisation des milieux est à promouvoir. Les interventions (entretien de berges, curages) sont à réaliser préférentiellement en fin d’été et si possible sur de petites surfaces chaque année. Eviter le retrait systématique des branches et arbres tombés à l’eau car ils offrent des supports d’insolation aux tortues. Les enrochements de berges sont à proscrire.
En périphérie des zones humides, le pâturage comme le débroussaillage entretiennent une végétation rase, recherchée pour la ponte.

Certaines techniques de pêche

Parmi les causes de déclin de la Cistude d’Europe, l’emploi des pièges à poisson (nasses, verveux, ganguis, capechades…) semble avoir joué un rôle important en zones méridionales (France, Espagne, Portugal).  Ces pièges installés sous l’eau dans les cours d’eau et marais étaient extrêmement répandus au XIXème siècle. Comme les poissons, les Cistudes étaient piégées, mais elles se noyaient faute de pouvoir respirer.
Aujourd’hui, la pêche aux engins est pratiquée de manière beaucoup moins importante.
Quant à la pêche à la ligne, il peut arriver qu’une tortue avale un hameçon, la blessant plus ou moins gravement.

Solutions

  • Informer et sensibiliser

L’information et la sensibilisation des acteurs de la pêche est une opération importante à mener.

  • Adapter les techniques de pêche

Concernant la pêche aux engins, des modifications techniques seraient à tester :

  • en positionnant l’extrémité des pièges hors de l’eau, les tortues capturées pourraient respirer, puis être relâchées lors de la levée des pièges.
  • en diminuant la taille d’entrée des nasses avec un anneau, les individus adultes ne pourraient plus être piégés, ceux-ci étant trop gros pour entrer. Certains pêcheurs appliquent d’ores et déjà cette technique pour éviter la prise de ragondins.

 

Le prélèvement de cistudes et l'introduction d'espèces exotiques

La Cistude d’Europe, joliment décorée de ses points jaunes, est régulièrement prélevée par des promeneurs qui la ramènent chez eux. Ce comportement se fait souvent par simple ignorance, croyant parfois sauver la tortue. Outre le fait qu’il s’agit d’une espèce protégée par la loi, il est déconseillé de déplacer un animal hors de son domaine vital.

Une autre tortue côtoie très souvent la Cistude : la Tortue de Floride. Cette espèce américaine, massivement achetée comme animal d’agrément, se révèle au fil du temps très encombrante. Pour s’en débarrasser, elle est souvent lâchée dans la nature, sans égard pour la faune locale. Aujourd’hui la tortue de Floride concurrence sérieusement la Cistude et présente un danger pour l’avenir de cette dernière. Actuellement, la Tortue de Floride n’est plus en vente mais d’autres espèces exotiques sont encore sur le marché : il faut éviter que ces espèces se retrouvent elles aussi dans la nature !

Tortue de Floride (Trachemys scripta elegans)

Photo : Xavier Rufray
 

Solutions

Proscrire certains comportements:

  • ne pas relâcher de tortues exotiques dans la nature, pour se séparer d’une tortue, il existe des centres de récupération spécialisés.
  • sensibiliser le grand public et les agents assermentés
  • ne jamais ramasser de Cistudes d’Europe dans la nature
  • améliorer la connaissance sur les tortues
  • signaler toute observation de tortue au CEN L-R et éventuellement photographier l’animal pour aider à l’identification.
  • campagne de capture de la Tortue de Floride : voir video ci-dessous

 

Programme régional de conservation de la Cistude et de son habitat

Le Conservatoire des Espaces Naturels du Languedoc-Roussillon (CEN L-R) associé à de nombreux partenaires mène un programme de conservation de l’espèce.
De 2003 à 2005, une étude a été conduite sur les milieux favorables à la Cistude pour mieux connaître l’état de conservation des populations de la région. Les connaissances  ainsi récoltées ont permis, en concertation avec de nombreux partenaires et usagers des sites, d’identifier et de planifier des mesures de suivi scientifique, de gestion des milieux naturels et de sensibilisation des usagers, notamment dans les sites Natura 2000 littoraux. Ces actions permettront de pérenniser la présence de la Cistude d’Europe dans la région.

Sensibilisation et assistance technique

Par l’information et la sensibilisation, le CEN L-R fédère et accompagne les acteurs locaux autour de la sauvegarde de l’espèce et de son habitat. L’association et ses partenaires organisent des actions d’information orientées vers des publics variés : des agents assermentés « police de la nature », aux collectivités gestionnaires de zones humides en passant par le grand public et les scolaires.

 

Un projet de ré-introduction

La réintroduction consiste à reconstituer des populations d’une espèce dans des secteurs dont elle a disparu. Historiquement présente dans la majeure partie du Languedoc-Roussillon, la Cistude d’Europe est en cours de réintroduction dans les Réserves Naturelles Nationales de l’Estagnol et du Bagnas (Hérault), respectivement gérées par l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) et par l’Association de Défense de l’Environnement et de la Nature des pays d’Agde (ADENA).
Ce projet doit permettre de contribuer à la sauvegarde de l’espèce sur le littoral méditerranéen par une augmentation du nombre de foyer de population.

 

Pour en savoir plus – Informations générales et signalement d’observations

Pour le Languedoc-Roussillon : Olivier SCHER au 06 37 33 40 90 ou mail

Pour Midi-Pyrénées : Laurent BARTHE au 06 75 43 64 21 ou mail

Pour les autres régions : http://lashf.org/pna-cistude-deurope/